Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une nouvelle disposition visant à imposer les plus-values latentes sur les transmissions successorales dépassant le seuil de 2 millions d’euros. Cette mesure marque une évolution notable de la politique fiscale française en matière de patrimoine. L’objectif est double : améliorer l’équité fiscale et faire contribuer davantage les détenteurs de patrimoines élevés aux recettes publiques. À travers cet article, nous analysons en détail le cadre juridique actuel, les modalités de cette nouvelle imposition, ses comparaisons internationales, ainsi que ses conséquences pratiques pour les héritiers.
Contexte législatif et objectifs de la réforme
En France, le régime des successions repose sur un principe de taxation des transmissions en fonction du lien de parenté et de la valeur reçue. Les abattements varient selon la relation avec le défunt, et les taux d’imposition progressent avec la part héritée. Toutefois, ces règles ne tiennent pas compte de la valorisation latente des actifs – c’est-à-dire des gains non réalisés sur des biens appréciés avant leur transmission. Le législateur a pointé cette faille comme une source d’inégalité fiscale : deux successions de même valeur nominale peuvent présenter des charges fiscales très différentes selon la composition du patrimoine. La réforme vise à remédier à cette inégalité en incluant la plus-value potentielle dans la base imposable. Par ailleurs, cette mesure ambitionne d’accroître la contribution des détenteurs de forts patrimoines, souvent composés d’actifs financiers et immobiliers ayant fortement pris de la valeur, à la solidarité nationale en matière budgétaire. Les héritiers de très hauts patrimoines sont ainsi ciblés, sans impacter les classes moyennes. Il s’agit aussi d’encourager une meilleure circulation du capital et d’en limiter la concentration excessive dans le temps.
Mécanisme d’imposition des plus-values latentes
Le projet de loi introduit une imposition spécifique sur les plus-values latentes pour les successions dont l’actif net transmis dépasse 2 millions d’euros. Cela signifie que les gains réalisés depuis l’acquisition du bien par le défunt jusqu’à son décès seront évalués, comme s’il s’agissait d’une cession. Ces plus-values ne sont toutefois prises en compte que si le seuil global des 2 millions d’euros nets est franchi. Par exemple, si une personne décède laissant un portefeuille immobilier évalué à 2,5 millions d’euros, dont la valeur d’acquisition était de 1,5 million, la plus-value latente atteint 1 million d’euros. Si aucun abattement ou exonération ne s’applique, cette plus-value serait soumise, selon le projet, à l’impôt sur les plus-values au taux de 30 %, soit 300 000 euros. En revanche, si le patrimoine transmis était de 1,9 million, aucune plus-value ne serait imposée. Cette mécanique permet un traitement différencié en fonction de la richesse réelle transmise, tout en ajoutant de la progressivité au système. L’administration fiscale prévoit une déclaration spécifique pour évaluer la valeur initiale des actifs et leur revente présumée lors du décès. Des ajustements restent attendus sur les modalités précises de calcul, notamment en cas d’indisponibilité des valeurs d’acquisition ou de dons antérieurs.
Dispositifs de report et d’étalement de l’impôt
Conscient du risque de créer une charge fiscale trop lourde immédiatement, le projet prévoit plusieurs options de report ou d’étalement pour les héritiers. Ceux-ci pourront choisir de différer le paiement de l’impôt sur les plus-values latentes tant qu’ils ne cèdent pas l’actif hérité. Par exemple, dans le cas d’un bien immobilier hérité mais non vendu, l’héritier ne paierait l’impôt qu’au moment où il le vendra réellement, moment où la plus-value se matérialise. Cette disposition évite aux familles de devoir vendre immédiatement des biens pour régler la fiscalité, et préserve la continuité du patrimoine. Une autre mesure permet un paiement fractionné de l’impôt sur une durée pouvant s’étendre jusqu’à 10 ans, avec des intérêts réduits appliqués. Ces mécanismes sont cependant conditionnés : l’héritier devra fournir des garanties financières ou hypothécaires, ou encore démontrer que l’actif n’est pas immédiatement liquidable. Le projet prévoit également une exonération partielle temporaire lorsque les biens transmis font l’objet de réinvestissement local (entreprises familiales, foncier agricole). Ces mesures visent à équilibrer impératif d’efficacité fiscale et préservation du tissu économique et familial.
Comparaison avec les pratiques fiscales internationales
Sur le plan international, plusieurs pays membres de l’OCDE appliquent déjà une fiscalité sur les plus-values latentes au décès. Le Canada pratique la ‘deemed disposition’ : lorsque le contribuable décède, il est considéré avoir vendu ses actifs à leur valeur de marché, et la plus-value est imposée à ce moment. L’Allemagne et les États-Unis connaissent également des régimes qui encadrent ces plus-values, bien que les modalités varient. En Allemagne, une exonération peut s’appliquer au logement principal, tout comme en France. Aux États-Unis, la règle du ‘step-up basis’ réévalue les actifs à la valeur de marché au moment du décès, ce qui efface théoriquement la plus-value latente – ce que certains experts considèrent comme une ‘niche fiscale coûteuse’. Ce que la réforme française introduit de manière novatrice, c’est un seuil d’imposition élevé et une option de différé, ce qui la rend moins brutale que d’autres dispositifs. Ces différentes approches traduisent des choix sociétaux : faire reposer le financement public partiellement sur les transmissions du capital, sans freiner excessivement l’accumulation intergénérationnelle. La France semble vouloir rejoindre une forme de consensus croissant sur la nécessité de taxer les hauts patrimoines sans désorganiser l’économie familiale.
Conséquences pour les héritiers et stratégies d’optimisation
Une réforme fiscale de cette ampleur implique des conséquences importantes sur la planification successorale. Les familles concernées devront anticiper, à travers des stratégies de transmission partielle avant décès ou d’organisation collective du patrimoine. Par exemple, le recours à la société civile immobilière (SCI) ou aux donations en démembrement de propriété pourrait permettre d’optimiser la fiscalité en fragmentant la valeur transmise. Il sera crucial de valoriser et documenter précisément les biens, notamment pour déterminer les plus-values, car une absence de preuve pourrait conduire à des estimations défavorables. D’autres solutions pourraient inclure l’assurance-vie, qui reste, pour l’instant, en dehors du champ de la réforme. Le principal défi pour les héritiers sera de préserver la liquidité suffisante pour régler les droits sans être contraints à des ventes précipitées. Un accompagnement par des notaires, conseillers patrimoniaux et fiscalistes deviendra quasi indispensable pour les familles concernées. En somme, la réforme incitera à une approche plus proactive dans la gestion du patrimoine familial, en tenant compte à la fois de la fiscalité actuelle et des projections à long terme.
Débats parlementaires et perspectives d’adoption
Les discussions parlementaires autour de cette mesure ont été particulièrement intenses. Les partisans de la réforme insistent sur la justice fiscale, arguant que les plus riches peuvent aujourd’hui transmettre des gains non imposés. Ils soulignent également que seuls 2 % des successions seraient concernées, limitant l’impact aux patrimoines les plus élevés. En face, les opposants critiquent le risque de complexité, notamment pour l’évaluation des actifs anciens, et les effets sur les transmissions d’entreprises familiales. Certains redoutent des contentieux accrus avec l’administration fiscale. D’autres proposent de relever le seuil à 3 ou 4 millions d’euros afin de ne pas toucher des familles possédant principalement un bien immobilier dans les grandes métropoles. Plusieurs amendements visent à mieux encadrer les systèmes d’étalement, ou à exclure certains actifs à faible liquidité. Le gouvernement reste ouvert à des ajustements techniques, mais entend préserver l’essence du texte pour des raisons d’équité budgétaire. La majorité parlementaire semble favorable, mais des compromis seront probablement nécessaires pour faire aboutir la réforme d’ici 2026.
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